EVICTION DES ALLERGENES:

Martine DROUET

En théorie, le traitement de l'allergie le plus satisfaisant consiste en l'éviction de l'allergène, qui en principe règle tout.

Malheureusement, cette éviction n'est pas toujours réalisable et cela pour diverses raisons soit l'allergène est incontournable (exemple des pollens) soit le principe de l'éviction se heurte à des problèmes psychologiques (exemple des animaux).

Nous envisagerons l'éviction des allergènes et les conseils conséquents selon les allergènes.

PNEUMALLERGENES

1 . Les acariens peuvent faire l'objet de mesures de " semi-éviction " : aspiration, ensoleillement de la literie, éviction des niches à poussières, lavage des peluches, suppression des moquettes . Les acaricides peuvent être utilisés dans la chambre tous les 3 à 4 mois. Les housses anti-acariens peuvent compléter ces mesures. L'efficacité de ces diverses mesures peut être évaluée par le dosage de l'antigène majeur des acariens (Acartest*).

2. Les pollens échappent complètement aux mesures d'éviction puisque le patient est soumis passivement à l'exposition atmosphérique. Tout au plus peut-on déconseiller les expositions massives (pique nique à la campagne dans un champs à la Pentecôte !). Le port d'un masque dans certaines situations peut se discuter (agriculteur à la période des foins) mais n'est pas toujours bien accepté.

3. Les moisissures sont des allergènes ubiquitaires et l'éviction est plus ou moins réalisable selon leur localisation :

- quand elles sont atmosphériques, elles sont subies passivement par les patients, comme les pollens, et les difficultés d'éviction sont les mêmes (exemple de l'alternaria),

- quand elles sont présentes dans l'habitat, l'éviction est plus aisée bien que parfois difficile (selon la raison de leur présence)

- les moisissures alimentaires (exemple Penicillium) sont peu responsables de manifestations allergiques mais si tel est le cas, l'éviction se pose alors sous l'angle de l'allergie alimentaire (cf plus loin).

4, Les poils d'animaux représentent toujours les mesures d'éviction les plus délicates car la dépendance psychologique à l'animal est souvent très importante. Nous avons parfois intérêt pour ces raisons psychologiques à procéder par étapes : éloignement puis éviction. Des compromis sont parfois acceptables (l'animal vivra essentiellement à l'extérieur ) et méritent d'être tentés mais cela n'est valable que si les patients vivent en maison particulière mais non en appartement car dans ce dernier cas, le compromis n'est pas réalisable. Il nous faut également pour l'acceptabilité de ce type de décision par le patient être convaincant quant au diagnostic et à la responsabilité de l'animal. Le test de provocation (rhinomanométrie le plus souvent) nous aide beaucoup pour cela.

5. Le latex est parfois un pneumallergène en milieu professionnel et en particulier au bloc opératoire ou il est répandu dans l'atmosphère par l'intermédiaire du " talc " des gants (en réalité amidon de mais). L'éviction dans ce cadre est parfois impossible et le reclassement professionnel est parfois nécessaire compte tenu de la gravité potentielle des accidents allergiques au latex.

ALLERGENES ALIMENTAIRES

L'éviction des allergènes alimentaires passe par le régime suppressif Le problème est de savoir jusqu'ou doit aller ce régime et divers paramètres entrent enjeu

- le caractère aigu ou chronique de cette allergie alimentaire

- qui détermine bien souvent la quantité d'aliment déclenchante.

D'une façon générale, dans l'allergie aiguë (de type anaphylactique) les accidents cliniques peuvent se produire pour de petites doses et le régime se doit d'être très strict alors que dans l'allergie chronique (eczéma atopique par exemple) il existe soit un phénomène dose dépendant qui fait que les petites doses sont bien tolérées, soit dans le pire des cas les petites doses restent déclenchantes mais les symptômes n'étant pas du tout de nature anaphylactique, les écarts de régime n'ont pas le caractère redoutable de l'allergie aiguë.

Cela signifie que dans l'allergie chronique, nous avons parfois intérêt à adopter également des mesures de compromis qui permettent au régime alimentaire de rester agréable et qui évitent au patient de tomber dans la névrose phobique que nous rencontrons parfois dans l'allergie alimentaire.

En outre, il n'est pas rare, notamment chez l'enfant de trouver une poly-allergie alimentaire qui associe des allergies aiguës et chroniques. Dans ces cas, il est souvent invraisemblable d'associer de multiples régimes suppressifs. Il faut alors impérativement faire le tri entre les allergènes source de réactions aigues et les allergènes source de réactions chroniques afin d'adapter le régime alimentaire.

ALLERGENES MEDICAMENTEUX

Quant un allergène médicamenteux est démontré, le meilleur traitement est l'éviction du médicament. Plusieurs points méritent d'être soulignés :

1. Il est important d'identifier précisément le réactogène responsable (molécule active ou excipient) car les mesures d'éviction ne seront bien sur pas les mêmes.

2. La contre-indication du médicament concerne t'elle strictement cette molécule ou bien faut-il contre-indiquer la classe entière ?

Seul, le bilan allergologique est susceptible de répondre à cette question. Il ne pourra d'ailleurs y répondre que si le bilan à l'égard du médicament en cause est positif . Dans ce cas, un bilan prédictif (tests cutanés et/ou biologie) sera effectué à l'égard des autres molécules de la famille et sera complété éventuellement par un test réaliste .

Si en revanche le bilan diagnostique à l'égard du médicament en cause est négatif (manque de sensibilité fréquent pour certaines classes pharmacologiques comme les AINS par exemple) le bilan prédictif est impossible à l'égard des autres molécules de la famille. Le test réaliste pourra néanmoins être effectué si un médicament de la famille est indispensable mais il sera beaucoup moins " confortable " que dans le cas précédent puisque non étayé par des tests (cutanés et/ou biologie) négatifs.

3. Le certificat médical authentifiant l'allergie médicamenteuse est utile et même indispensable. Il doit néanmoins être adapté et judicieux. Ne pas remettre un certificat (ou alors provisoire) sans certitude diagnostique. S'il n'y a pas de certitude diagnostique et si le patient réclame un certificat il est alors préférable de citer le médicament suspect et décrire les effets secondaires éventuellement imputés à ce médicament. Idem pour le carnet de santé. Dans le descriptif, il est très IMPORTANT de préciser le délai entre la prise du médicament et la survenue des 1 ers signes cliniques suspects.

4. Parfois le médicament allergène est indispensable et l'éviction est impossible (Produits de contraste iodés, pénicillines, insulines,...). Dans ce cas, on tente une accoutumance médicamenteuse.

ALLERGENES DE CONTACT

Dans l'allergie de contact (eczéma le plus souvent) le seul traitement étiologique est l'éviction. En effet, ce type de pathologie allergique répond à un phénomène d'hypersensibilité retardée et à ce titre est en dehors des indications de la désensibilisation.

L'identification de l'allergène doit donc être le plus précis possible afin de donner des listes d'éviction qui aideront le patient à supprimer l'allergène.

PROBLEMES PARTICULIERS

Les allergènes professionnels impliquent des mesures d'éviction lourdes de conséquences pour le patient. Parfois celui-ci cache volontairement son allergie afin de ne pas risquer de perdre son emploi. Il nous place alors dans une situation délicate de " non déclaration " de maladie professionnelle.

Cette attitude, loin d'être rare, est d'ailleurs certainement, responsable d'une sous-estimation des Pathologies allergiques professionnelles.

CONCLUSIONS

La démarche allergologique est avant tout une démarche étiologique (trouver le coupable) dans le but de simplifier le traitement par une éviction adaptée. Cette attitude doit toutefois dans de multiples circonstances être tempérée afin de ne pas tomber et faire tomber le patient dans des excès qui pourraient être plus néfastes (régime alimentaires très désequilibrés par exemple). Les mesures d'éviction, comme toutes autres mesures thérapeutiques, n 'échappent pas à la règle d'or en médecine du " bénéfice/risque ".

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