Ce n'est pas une spécialité médicale car sa situation la place en relation avec plusieurs, voire toutes les spécialités. La psychiatrie pourrait offrir une approche psychosomatique, cela semblerait aller de soi. Non point. Son approche exclut pratiquement les symptômes somatiques pour ne considérer que les symptômes psychiques. Question d'école de pensée. Donc, ce sont des praticiens de terrains, généralistes souvent, qui s'intéressent et approfondissent leurs connaissances et l'approche psychosomatique des maladies. Il est bien clair que tous les médecins font de la médecine psychosomatique, mais avec une sensibilisation variable, allant du "ce patient est un dystonique", sous-entendu "ce patient devrait aller voir un psy", à un écoute attentive de grande qualité peut-être plus fréquente qu'on ne le croit habituellement.
Qu'est-ce qui échappe à la médecine psychosomatique ? Pas grand chose! Mais tout n'est pas sur le même plan. Nous devrons distinguer clairement l'asthme et l'infarctus ; l'infection ordinaire et le cancer... Ce ne sont pas les mêmes mécanismes qui sont en cause, ni dans leur durée, intensité et conséquences. Le pourcentage psycho/somatique varie suivant les pathologies et les individus, voire les moments pour le même individu.
Nous distinguerons également le sens d'action psycho --> somatique et l'inverse, du corps vers le mental : somato --> psychique. Car les deux aspects sont sinon simultanés, du moins séquentiels, c'est-à-dire se suivent, le plus souvent. Prenons un exemple. Vous déprimez pendant des années. Cela finit par affaiblir vos défenses immunitaires qui laissent passer une cancérisation, laquelle, étant découverte, va encore aggraver la dépression ou contraire parfois ressusciter des forces insoupçonnées pour lutter contre le cancer. Telle une boucle de rétroaction. C'est dire que chaque patient est un cas particulier ici plus qu'ailleurs et qu'on devra le soigner dans cette évidence.
Ces préliminaires vous font entrevoir
toute l'étendue de la médecine psychosomatique, de l'approche
psychosomatique des maladies !
C'est dire qu'il fallait arriver au XXème siècle pour faire quelques lumières sans préjugés sur cette question ancienne!
Nous
parlons aujourd'hui d'unité psychosomatique, prise en compte à
la fois par
la psychologie,
la psychanalyse,
et la médecine somatique,
en particulier dans ses recherches les plus fondamentales d'éclaircissement
des relations corps-esprit, autrement dit corps-système nerveux central/activité
mentale, affective, neurovégétative. Il n'est pas nécessaire
aujourd'hui de faire appel à des notions non scientifiques pour approcher
le psychosomatique. Les découvertes récentes démontrent
le rôle du système nerveux central dans la causalité des
maladies psychosomatiques. Mais, ce qui est plus inattendu, c'est le rôle
actif de tous les organes du corps dans la relation psychosomatique, par les
messagers chimiques, médiateurs et hormones qui interagissent avec le
système nerveux central, modulant son activité. L'histoire se
complique et à la fois s'éclaircit. Quand on connaît les
mécanismes d'action, même complexes, de certaines maladies psychosomatiques,
des facteurs très disparates se trouvent réunis.
La notion de causalité psychosomatique
fait l'objet d'incessantes réflexions. Plusieurs formulations ont été
proposées:
théorie du traumatisme (Freud),
théorie des personnalités prédisposées (Dunbar),
théorie émotionnelle (l'alexithymie de Sifneos),
théorie économique (désorganisation progressive et vie
opératoire de Marty), etc.
l'incapacité
à reconnaître et exprimer ses émotions
la limitation de la vie imaginaire;
la tendance à recourir à l'action;
la description détaillée des faits, événements,
ou symptômes physiques.
Stress : notion élaborée par Selyé (1962). Couramment évoqué par l'homme de la rue comme cause de nombreux maux.
Événements de vie : échelle
d'événements de vie éprouvants composée par Holmes
et Rahe (1978) suite à des compilations
statistiques.
Facteurs de vulnérabilité ou
de résistance au stress : profil comportemental de type A ou coronarogène
par Friedman et
Rosenman (1959).
Stratégies d'adaptation : théorie du "coping" ou des stratégies cognitivo-comportementales d'ajustement par Lazarus (1980)
Quelques tendances actuelles: retour en haut §précédent
La psychoneuroimmunologie:
un domaine en pleine expansion et qui a donné lieu à toutes sortes
d'études sur les rapports complexes
entre divers facteurs psychosociaux et les systèmes nerveux central,
immunitaire et endocrinien ( cf. notamment Ader, 1991)
Vers un renouveau de la théorie psychanalytique en médecine psychosomatique:
Dejours C. (1995): réflexion sur le primat de la souffrance et du sens, réhabilitation de l'événement, proposition d'accorder le primat à l'intersubjectivité sur la structure,de s'appuyer sur un principe constructiviste; intuition qu'il n'y a pas de causalité psychique
Fine A. (1994): la maladie organique et ses remaniements psychiques; exploration des états traumatiques associés à la maladie, de la régression narcissique et de ses avatars, des mises en tension des pôles dépendance/indépendance, des pôles passivité/activité, des remaniements du travail du trépas.
Pedinielli JL. (1993): psychopathologie
du somatique, la "maladie-du-malade": réflexion sur l'écart entre
le fait somatique et sa représentation, entre le discours médical
et sa reproduction par le sujet malade; interrogation sur la capacité
du sujet à se faire entendre malgré son atteinte physique ou grâce
à elle.